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Photo du rédacteurChristophe Chazot

Pourquoi utilise-t-on la lumière verte pour mesurer la fréquence cardiaque ?

Dernière mise à jour : 11 janv. 2023

De nombreuses applications permettent de calculer le rythme cardiaque en utilisant uniquement l'appareil photo d'un smartphone. Sur quels principes reposent ces applications ? Peut-on utiliser FizziQ pour réaliser les même mesures ? Cette technique peut-elle nous aider à mieux comprendre certaines spécificités de notre système cardio-vasculaire ?

1. La photopléthysmographie

Le phénomène physiologique sur lequel reposent ces applications a été mis en évidence pour la première fois en 1937 par Hertzman et Spealman (5). Ces deux scientifiques ont constaté qu'ils pouvaient mesurer à l'aide d'une cellule photoélectrique des variations de transmittance de la lumière à travers le doigt et que ces variations permettaient d'estimer précisément le rythme cardiaque.

En effet, à chaque battement du coeur, un afflux de sang se propage dans les vaisseaux durant la phase que l’on appelle systole. Le volume sanguin augmente rapidement dans les vaisseaux capillaires et les tissus deviennent légèrement plus épais et rouges du fait de l’afflux de sang chargé d’hémoglobine (3). Avec le reflux cardiaque, durant la phase de diastole, la quantité de sang dans les tissus diminue et ils deviennent moins opaques. En analysant les variations d’opacité ou de couleur des tissus suffisamment transparents, comme ceux d'un doigt ou d'un lobe d'oreille, on peut ainsi déterminer les phases systole et diastole et calculer le rythme cardiaque (1).


L'analyse des flux sanguins par cette méthode optique s'appelle la photopléthysmographie, du grec "phôtós", la lumière; "plêtusmos”, l'augmentation; et "gráphô", écrire. Cette méthode est devenue progressivement très importante dans le domaine médical de surveillance, par exemple elle est utilisée dans les oxymètres portables qui ont été essentiels pour suivre les malades atteints de la Covid-19. Elle est également utilisée dans les montres connectées pour calculer la fréquence cardiaque. Sous certaines conditions, on peut utiliser la caméra de nos smartphones pour conduire des analyses simples de photopléthysmographie. Bien sûr nous n'atteindrons pas la précision d'appareils spécialisés mais on peut néanmoins obtenir un certain nombre d'intuitions intéressantes sur le fonctionnement du système cardio-vasculaire humain. Nous étudions dans la suite deux méthodes pour conduire cette analyse.


2. Analyse par mesure de luminosité

Nos smartphones possèdent des capacités d'analyse de lumière et de couleur grâce à la caméra. L'application FizziQ donne deux types d'informations qui seront utiles à cette analyse : la luminance qui mesure la quantité de lumière réfléchie par une surface, et la colorimétrie qui permet de mesurer les quantités de lumières transmises par le filtre de Bayer de l'appareil photo.

Le luxmètre de l'application FizziQ permet de mesurer l'opacité des tissus de notre index. Sélectionnons la luminance moyenne qui permet une analyse globale de la lumière réfléchie. On place le bout du doigt en contact avec la lentille de l'appareil photo comme indiqué sur la photo en appuyant très légèrement sur l'objectif.

On s'assure que la luminosité est comprise entre 15% et 40% en éclairant plus ou moins le doigt avec un source de lumière externe. Le meilleur endroit pour faire cette mesure est le bout extrême du doigt. Après quelques instants, on constate qu’un signal régulier apparaît sur le graphique. Ce signal est faible, et n'entraine une variation que de quelques pour-cent de la luminosité. Progressivement le doigt au contact du téléphone se réchauffe et dilate les vaisseaux ce qui améliore le signal. Il faut trouver la meilleure position en déplaçant le doigt sur l'objectif. Attention, si la pression exercée par le doigt est trop forte, le diamètre des capillaires et leur capacité de dilatation est moins importante, ce qui réduit les variations de transmittance. D'autre part la qualité de la caméra et la rapidité du smartphone sont des éléments déterminants pour faire des mesures précises. Enfin sur les doigts très fins, comme ceux des enfants, la mesure peut se révéler difficile à mettre en oeuvre.

Pour étudier le signal on enregistre les données pendant une dizaine de secondes avec le bouton REC et on l'ajoute au cahier d'expériences. Avec les boutons d'échelle on peut centrer et agrandir l'échelle, et sélectionner la plage d'étude. A noter que l'on peut déplacer le bouton de sélection + si il gêne.


On constate que le rythme des pics est régulier et permet de mesurer ce qui devrait être le rythme cardiaque. Les creux correspondent aux phases de systole durant lesquelles le sang est abondant dans les vaisseaux, les pics correspondent aux phase de diastole. En utilisant la loupe du cahier d'expériences, on mesure l’écart de temps entre les différents pics (1,05 s) ce qui nous donne la fréquence cardiaque qui dans ce cas est de 57 pulsations par minute. On vérifie cette valeur avec un appareil médical.


3. Analyse par la mesure des couleur

La méthode que nous venons de décrire permet d'obtenir des résultats en général acceptables, mais on peut améliorer la mesure en utilisant la couleur et le colorimètre (voir ce blog pour le fonctionnement de cet instrument) . En effet, l’hémoglobine sous sa forme oxygénée absorbe les rayonnements verts compris entre 510 et 560 nm (4). Comme, le filtre vert du filtre de Bayer de nos appareils laisse passer les rayons lumineux de longueurs d'ondes autour de 530 nm, nous pouvons mesurer la quantité de sang dans les tissus en observant l'Intensité de la couleur verte réfléchie par ceux-ci. Durant les phases de systole, les rayonnements verts émis par la source lumineuse seront plus largement absorbés que durant la phase de diastole.

C'est cette méthode qui est d'ailleurs utilisée par les montres connectées : elles émettent une lumière verte à intervalles réguliers et mesurent l'intensité réfléchie par les tissus.


Nos portables ne peuvent émettre de lumière verte, mais nous pouvons néanmoins faire la même analyse en mesurant avec le colorimètre l’intensité des longues d’ondes du vert dans un tissu éclairé par la lumière blanche de la torche de notre smartphone, utilisée comme source de lumière stable. Pour l'allumer durant la mesure, on sélectionne l'option « LED pour le colorimètre » dans le menu Application de l'onglet Réglages.


Sélectionnons la mesure « Intensité » du Colorimètre et nous mesurons cette intensité dans les longueurs d’ondes de la couleur verte (530 nm). On déplacera le doigt pour que la mesure moyenne soit au moins de 10%. Le graphique que nous obtenons est habituellement plus précis que celui obtenu avec la mesure de luminance et nous permet d'obtenir plus d'intuitions sur le phénomène.


Par exemple nous constatons sur le graphique que les variations de l'intensité ne sont pas symétriques. En d'autres termes, la montée de la pression pression artérielle est rapide (diminution de l'intensité), et la phase de baisse de pression (augmentation de l'intensité) est lente. L'intuition nous dit que l’onde de pression artérielle générée lors de la contraction devrait plutôt être symétrique, comment expliquer ce phénomène ? Les gros vaisseaux qui partent du coeur sont élastiques (aorte, grosses artères) et se déforment sous la pression générée par le volume d’éjection systolique. L’onde de pouls se propage rapidement avec une vitesse de 8-10 m/s, mais rencontre rapidement des obstacles du fait de la diminution progressive du diamètre des artères du réseau de distribution du sang. Ces petits vaisseaux ne sont également pas élastiques. L'onde va donc être réfléchie et va repartir en sens inverse (2, 7).

Cette deuxième onde (onde dicrote) se superpose à la première avec un décalage et permet à la pression artérielle durant la phase de relaxation du coeur de diminuer plus progressivement. Ce phénomène est très important car il permet d’optimiser la pression de perfusion coronaire.


4. Conclusion

Peut-on faire d'autres types d'analyses sur la physiologie du système cardiovasculaire ? Il est probable que pour aller plus loin, les smartphones doivent intégrer d'autres capteurs ou composants électroniques. Les oxymètres par exemple calculent le taux d'oxygène dans le sang en comparant l'intensité réfléchie quand on éclaire un tissus avec deux longueurs d'ondes différentes, rouge et infrarouge. L'utilisation de techniques comme l'intelligence artificielle permet également de tirer un meilleur parti des capteurs. Par exemple des recherches récentes ont montré qu'il était possible d'analyser le rythme cardiaque en étudiant des vidéos du visage (5). L'utilisation des smartphones pour prévenir des maladies a fait des progrès importants ces dix dernières années et il n'y a aucun doute qu'avec le développement de nouveaux capteurs et l'utilisation de méthodes d'analyse encore plus performantes, de nouvelles applications vont voir le jour pour aider les populations à identifier encore plus rapidement les maladies et participer à la proposition de traitements (6).


La technologie actuelle présente sur la plupart de nos smartphones ne peut les transformer en appareils médicaux, mais pour ceux intéressés à mieux comprendre la physiologie de notre système cardiovasculaire, elle donne des informations pertinentes et objectives à partir desquelles on peut conduire des démarches d'investigation tout à fait intéressantes.


Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les liens suivants :


Illustrations :

Figure 2 : © Bernard Valeur




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